Ta naissance était prévue pour le 15 avril 2015.
Je t’avais parlé dans mon ventre : “Mon bébé, tu peux venir quand tu veux, je suis prête, ton moment sera le mien. Si tu veux rester encore un peu, tu peux profiter, j’aime tellement te sentir au creux de moi…”
Et puis je t’avais déjà fait mes adieux : “Mon bébé, mon amour, merci pour ces neuf merveilleux moi avec toi! Cela a été un réel bonheur. Je suis triste que ça finisse déjà, mais si heureuse de te serrer bientôt dans mes bras. Je serai là pour toi. Je t’aime si fort. J’ai confiance en toi, en mon corps, tout se passera bien, j’en suis persuadée. Nous y arriverons ensemble. Je t’attends.”
L’émotion me vient encore en écrivant ces lignes… J’ai tellement aimé “être deux” avec toi, je savais que cela allait me manquer jusqu’à la fin de mes jours.

J’avais rendez-vous chez Brigitte (la sage-femme libérale qui me suivait) le 15, elle me proposa un peu d’acupuncture… oh là là, moi et les aiguilles, ça a toujours fait deux! Mais bon, c’était pour la bonne cause! Je ne tenais pas à être déclenchée artificiellement avec des hormones de synthèse si tu tardais trop à venir!
Pas question que l’on te vole ta première grande décision: le jour que tu auras décidé pour venir à ma rencontre.
Ensuite mon mari et moi étions allés tranquillement aux thermes de Mondorf, un moment très agréable.

Les premières contractions sont arrivées durant la nuit… c’était léger, et pas encore régulier. Je me suis rendormie.
Le matin, j’avais toujours des contractions. Greg (mon mari) hésitait à aller travailler. Je lui ai dit d’y aller, que je l’appellerais si besoin. La journée s’est passée tranquillement, je vaquais à mes occupations habituelles sereinement. Quand on est sur le point d’accoucher, on a toujours envie de préparer son nid et que tout soit parfait pour l’arrivée de bébé. J’avais aussi tant de joie à aller voir ta nouvelle chambre aménagée avec amour et à caresser les petits bodys que tu remplirais bientôt.
Je me sentais très apaisée. Je respirais doucement et profondément à chaque contraction. J’avais envie de te donner naissance à la maison, mais comme personne ne me soutenait, je n’ai pas osé franchir le pas. Et puis pour une première naissance, ce n’est pas conseillé.

Les contractions arrivaient maintenant toutes les dix minutes. “Alors mon bébé, tu as décidé de venir aujourd’hui?”
J’ai téléphoné à Greg pour le prévenir. Il m’a répondu qu’il rentrait. J’ai ensuite téléphoné à Brigitte (ma sage-femme), elle m’a dit de la prévenir quand on partait pour la maternité. J’ai continué tranquillement ma “nidation”.
J’avais bien envie de rester seule, et d’accoucher là, dans mon jardin… je ressentais cette plénitude et cet appel de la nature. J’avais envie de sentir le vent sur ma peau et l’herbe sous mes pieds, j’avais besoin d’un arbre… C’était très fort, viscéral, instinctif, comme un appel.

Greg est arrivé, visiblement pas dans le même état d’esprit. Il était stressé. Il aurait voulu qu’on parte directement à la maternité. Moi je savais que, pour que tout se passe bien, je devais rester dans ma bulle. Et qu’à l’hôpital, ce serait difficile. J’ai donc préféré rester à la maison le plus longtemps possible.

Vers 16 heures, j’ai dit à Greg que j’étais prête à partir. Je restais sereine et détendue pour ne pas bloquer le travail (j’avais lu dans un de mes livres que certaines femmes se “bloquaient” au moment de partir et que le travail s’arrêtait). On s’est donc rendus à la maternité Grande Duchesse Charlotte de Luxembourg. C’est cette maternité que j’avais choisie car c’est une maternité “amie des bébés”, qui respecte les projets de naissance des mamans, qui encourage l’allaitement et qui accueille les sages-femmes libérales qui suivent les mamans. C’est aussi dans cette excellente maternité qu’exerce le meilleur gynécologue du Luxembourg, un monsieur très délicat qui pratique les naissances physiologiques.

Durant le trajet, je restais dans ma bulle, j’essayais de ne pas trop parler. Arrivés à la maternité après 40 minutes de route, on s’est inscrits à l’accueil puis on est allés au service maternité. Nous avons été accueillis par une sage-femme qui m’a demandé de faire pipi dans un petit pot. Puis j’ai dû patienter dans le couloir pour avoir une salle d’auscultation…  Ce n’était pas l’idéal pour rester dans sa bulle mais ça a été….

Une sage-femme très sympa m’a fait un monitoring et un touché du col. Les contractions étaient régulières. L’ouverture du col était à 3cm. Elle m’a dit qu’il y en aurait encore pour un bon bout de temps, et que je devrais aller manger quelque chose pour prendre des forces. Je n’avais pas du tout envie d’aller manger, mais alors là, pas du tout!
Elle m’a demandé si je voulais rester là dans la salle d’examen, mais j’ai dit que je préférais aller me balader dehors. J’avais repéré un coin de parc et un arbre par la fenêtre et j’avais toujours cet appel de la nature en moi.

Nous sommes sortis doucement, je devais m’arrêter à chaque contraction pour bien souffler, rester dans ma bulle et te parler par pensée: “Viens mon bébé je t’attends”.
Et à chaque nouvelle contraction, je pensais mon mantra de toutes mes forces et je visualisais mon col s’ouvrant pour laisser passer mon bébé. J’étais “loin à l’intérieur de moi » comme dans une sorte d’autohypnose: “Col, ouvre-toi! Bébé arrive! Bébé est prêt! Moi aussi!” “C’est bien col, ouvre-toi! Laisse venir mon bébé! Laisse-le passer!”

A force de marcher lentement, on a fini par arriver dans un bâtiment ou se trouvait une cafétaria. Il ne restait vraiment pas grand-chose à manger. J’ai pris une salade de fruits frais. Mais je n’avais aucun appétit. Je n’avais pas non plus envie de m’asseoir dans la cafétaria. Il y avait des gens, les chaises étaient dures et froides. J’avais envie d’être à la maison, dans mon jardin, dans ma chambre, dans mon cocon. Ça m’a pincé le cœur d’être là. Je ne voulais pas! A ce moment-là, j’ai su qu’il me faudrait un grand courage pour rester dans ma bulle car je n’allais pas être aidée. J’étais en colère et triste. Mais j’ai ravalé mes larmes, j’ai pris sur moi et j’ai replongé dans ma bulle.

Greg a fini son plat, moi j’ai mangé quatre morceaux de fruits, et on est repartis vers la maternité tout doucement. En s’arrêtant à chaque contraction qui devenaient de plus en plus fortes. Et à chaque fois en récitant mon mantra et en visualisant mon col et mon bébé.
Une heure s’était écoulée et il était temps de retourner faire un monitoring, comme la sage-femme nous l’avait demandé. Nouveau monitoring… Nouveau toucher… J’enlève ma culotte, oups, quelque chose glisse. C’est le bouchon muqueux. C’est marron et tout visqueux. Comme un gros morceau de règles. Ce n’est pas très appétissant!
La sage-femme m’examine et constate toute étonnée : “Ah bien, vous êtes à 6 cm”.
Elle veut me poser une voie d’entrée. Oh non!!! C’est vraiment obligé?! Je n’en n’ai pas besoin! J’ai la phobie des aiguilles. J’ai envie de partir. Mais je n’ai pas le choix. Alors la sage-femme, très tendrement, me caresse le bras en me faisant un peu de sophrologie. Je me détends et elle parvient à me poser l’aiguille. Mais je serai incapable de regarder mon bras jusqu’au lendemain matin, quand soulagée, l’aiguille me sera enlevée.

La sage-femme me demande si je veux une chambre… Nouvelle attente dans le couloir…Un homme me dévisage avec insistance… Pas évident de rester dans sa bulle! Je vais m’isoler seule dans la cage d’escalier et je souffle: “ffffffffffff” Au bout d’un temps qui me semble interminable, la sage-femme revient enfin et nous emmène à la chambre. Sur le chemin, je dois faire une pause ou deux lors des contractions.

La sage-femme a bien lu mon Projet de Naissance (lien). Elle me dit que comme je ne souhaite pas de péridurale, elle ne me la proposera pas pour ne pas me tenter. Mais que si je la veux, je peux la demander jusqu’à 7 cm d’ouverture. J’apprécie énormément le fait qu’elle ait prit le temps de le lire et qu’elle me respecte dans mes choix pour ce moment si important de ma vie.
Je découvre la chambre… Le lieu où je vais vivre mes premières heures avec toi… Je suis très émue!

Au début je reste debout. Je gère mieux les contractions dans cette position. Parfois je m’appuie sur le lit, en me penchant un peu en avant (j’ai vu cette position dans un de mes livres), ça m’aide assez bien.

Greg reste à côté… Il ne peut pas m’aider. Il n’a pas pu se libérer du travail durant la grossesse pour assister à des cours d’haptonomie avec moi. Comme je regrette! A ces cours, on apprend au mari, comment aider sa femme lors de l’accouchement. Par exemple, en posant ses mains chaudes pour apaiser la douleur, ou bien quelles positions prendre pour soutenir sa femme lors des contractions. (Lien à paraitre).
Greg a faim… Et il tient absolument à me faire manger. Il part acheter des sandwichs à la pompe à essence un peu plus loin.

Le jour commence à tomber, je laisse l’obscurité s’installer dans la pièce. Je suis seule dans la chambre, je suis triste que Greg ne sache pas nous accompagner. C’est notre aventure à toutes les deux. Mon bébé et moi.
Mais je pense à toi, à nous, à notre force à toutes les deux! Et je sais qu’on pourrait faire le tour du monde rien qu’à nous deux!!! Mon bébé, mon amour.

Je suis toujours dans ma bulle, et je glisse sur les contractions, de plus en plus fortes! De plus en plus intenses! Je visualise mon col qui s’ouvre. Ta petite tête cherchant un passage vers ta nouvelle vie. Et mes bras qui se tendent vers toi pour t’accueillir… Viens mon bébé! Viens! Maman t’aime et t’attend!!!

Je ressens un besoin d’émettre des sons graves, gutturaux, presque des chants indiens, j’ai l’impression que cela pourrait me soulager lors des contractions, mais je n’ose pas ici à la maternité.

Greg revient avec des sandwichs. Il me trouve dans la petite salle de bain. J’ai l’impression que je vais vomir tant les contractions sont intenses. Il veut me faire manger! Mais je n’en veux pas! Ça m’écœure! Je veux rester dans ma bulle! Lui n’y est pas du tout. Il mâche bruyamment, ça m’énerve!
J’ai envie de me reposer un peu. Je m’allonge sur le lit. Sur le dos les contractions sont insupportables! Sur le côté ça va, c’est moins douloureux, en soufflant bien.

Greg me demande si j’ai appelé Brigitte… Oups! Non!! Il l’appelle, elle se met aussitôt en route!
Le temps passe… La sage-femme de la maternité arrive dans la chambre: “Dites, ça fait 1h30 que vous êtes là, vous pouvez revenir pour un monitoring.” Je n’avais pas vu le temps passer, j’étais dans ma bulle.

Au moment de passer la porte du couloir de la maternité, Brigitte arrive! clip_image001Ça me réchauffe le cœur!

Je dois m’installer sur le lit pour le monitoring. Je n’ai pas envie!!!Je me sens mieux debout! Mais apparemment je suis obligée de le faire. Brigitte me rassure: “Met-toi sur le côté, tu seras mieux.” Je m’installe sur le côté. C’est plus supportable. Sur le dos, c’est trop douloureux! La sage-femme installe le monitoring, elle me demande si je souhaite qu’elle prépare la baignoire… Oui, pourquoi pas. Elle constate sur le graphe que les contractions sont très fortes. Oui et bien ça, je pouvais le lui dire!!! Pas besoin de monitoring!!!

Je gère les contractions, je respire profondément. Je pense à Toi, à mon col, à Nous. A mon corps en qui j’ai toute confiance! Ce corps extraordinaire que j’admire et qui est capable de réaliser le miracle de donner la vie! Je pense à toi mon bébé, si courageux, qui travaille à te faire naitre, qui va t’accoucher avec mon aide! A toi qui sais comment faire! A toi, que j’attends!

Brigitte pose sa main sur mon genou. Je souffle, Je me relâche en une fois. Ça m’avait un peu énervée ce monitoring! Je suis rassurée! Brigitte est là!

La sage-femme me fait un toucher du col: 9 cm! Brigitte rit: “Il était temps que j’arrive!” “Merci Brigitte! Merci d’être là!” Brigitte me fait un petit massage du bas du dos avec des huiles. Ses mains sont douces et chaudes. Ça me fait un bien fou!!!

Soudain je sens quelque chose de fort en moi…Quelque chose d’inexplicable… un appel… une force…Un son grave sort de ma gorge… Brigitte me dit paisiblement: “Tu as besoin de pousser?” J’acquiesce. “Et bien alors pousse”.

La sage-femme de la maternité me dit qu’il faut attendre les 10 cm et le gynécologue. J’ai toute confiance en Brigitte, en mon corps, en toi, mon bébé, que j’aime déjà si fort! Je prends mon souffle et je pousse! Cet appel est si puissant, si sacré, il n’a pas besoin d’une autorisation, il n’a pas besoin d’un gynécologue, c’est simplement l’appel de la vie et je m’offre a lui.
Tu pousses mon bébé, je pousse, on travaille ensemble à ta naissance.

Ça y’est , on y est, dans la plus grande vague, celle qui va te faire naitre… Et je me lance toute entière dans cette vague. C’est la première fois que je ressens quelque chose d’aussi fort, d’aussi vrai! Je suis là toute entière avec toi. Le monde entier n’existe plus. Il n’y a que toi et moi et cette force. Des rugissements sortent de ma gorge. Ce ne sont pas des cris de douleur, c’est le souffle de la vie qui passe à travers moi. Je serre très fort la main de Greg, j’ai besoin de sa force. Il m’encourage “Vas-y ma chérie!”

Les vagues s’en vont, les vagues s’en viennent. Et à chaque fois cette force qui submerge tout. Je sens mon col s’ouvrir, je sens ton petit corps avancer dans le mien. Je sens la poche se rompre, et le liquide couler avec force. Et déjà j’entends la voix de Brigitte qui annonce que l’on voit ta petite tête. J’ai chaud, mon corps brûle, je suis en nage, je suis essoufflée. Et toujours ce cri dans ma gorge. La dernière poussée… “Viens mon bébé, viens »!” Je sens une légère brulure, ta petite tête sort… Une nouvelle brulure un peu plus forte, ce sont tes épaules, puis je sens tout ton petit corps glisser au dehors. J’entends la voix de Brigitte “Prends-le, prends ton bébé”.

Mon bébé???

“Oh mon bébé” “Oh mon bébé” Tu es là… Tu es enfin là. Cela fait si longtemps que je t’attendais!
Ton petit corps est chaud, souple et humide. Je te saisis tant bien que mal, j’ai peur de te faire mal… Je te pose sur mon ventre… Moment indescriptible… Je sens le cordon, humide et froid qui nous relie encore.
Mon bébé, mon amour… Est-ce que tout ceci est bien réel?…

Tu es née paisiblement, sans un cri, tu as pris ton temps pour ouvrir les yeux… Tu savais que j’étais là pour toi, tout ton monde connu d’avant disparaissait et pourtant, tu étais là, sereine…
Je serais toujours là pour toi, tu le savais, je le savais, nous le savions… Notre nouvelle histoire commençait. Elle serait belle je le savais…

Un peu plus tard, le placenta a glissé tout seul hors de moi en une petite poussée. Je n’ai pas pris le temps de l’observer, j’étais trop occupée à te contempler. Nous l’avons conservé pour planter un arbre en ton honneur. C’est une partie de mon bébé, sacrée.

Le gynécologue est passé nous voir: “Eh bien, on n’a pas eu besoin de moi ici” A-t ’il plaisanté gentiment. Il m’a fait quelques points de suture. J’avais une petite déchirure à la fourche. Rien de grave. D’ailleurs, je n’aurai aucunes douleurs suite à l’accouchement. Et aucun besoin d’anti-douleur.

Le souvenir que je garde de cette naissance est extraordinaire…

Merci à mon mari d’avoir été présent à mes côtés.
Merci à Brigitte, pour sa présence rassurante. C’est grâce à elle que tout ceci a été possible.

Merci à la sage-femme dont j’ai oublié le nom (je m’en excuse), qui a fait un travail admirable malgré le fait qu’elle ne me connaissait pas. Merci à elle d’avoir lu et respecté mon Projet de Naissance. Outil si précieux.
Merci au gynécologue, pour sa gentillesse et sa bienveillance.

Et surtout, Merci à toi mon bébé, qui a su te faire naître… comme tous les bébés depuis des centaines de milliers d’années, et qui m’a permis de vivre cette aventure incroyable qui m’a changée à tout jamais.

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